Bon, je me lance… Dans ce troisième billet de la série, je m'attaque aux préjugés et essayer d'expliquer d'où ils peuvent venir. Le premier d'entre eux est souvent :
Les RH ne connaissent rien aux métiers pour lesquels iels recrutent !
C'est parfois ce qu'on ressent lorsqu'on est contacté par un cabinet de recrutement ou des personnes qui font du sourcing avec le fameux : « Je vois sur votre profil LinkedIn que… ».
Parfois, la personne nous parle de compétences qu'on ne maîtrise pas (« nan mais Java ou JavaScript, c'est la même chose, non ?! »), nous propose un stage alors qu'on a une expérience professionnelle de 10 ou 15 ans (à se demander parfois si ces personnes acquièrent des bases de données de CV de 10 ans d'âge, ou s'arrêtent aux deux premières lignes du CV lorsqu'elles évaluent les expériences professionnelles !).
Ces pratiques viennent souvent des cabinets de recrutement, plus rarement des RH en entreprise (des expériences que j'en ai en tous cas) et probablement pour des questions de rentabilité.
Le cabinet de recrutement
En général, les cabinets de recrutement n'ont pas 107 ans pour trouver plusieurs candidat·e·s potentiel·le·s à présenter à l'entreprise. La plupart du temps, il s'agit de remplacer une personne qui part (et les délais de préavis sont courts, surtout si on veut assurer une petite période de doublure pour éviter la perte d'informations). Il peut aussi s'agir d'un recrutement pour une montée en charge de l'activité des entreprises clientes qui ne peuvent pas se permettre de faire patienter leurs nouveaux clients trop longtemps (et risquer de ne pas honorer les délais de leur carnet de commande).
Bref, souvent, le cabinet doit réagir vite.
Comprendre le besoin (le poste, les compétences nécessaires et annexes, les expériences à valoriser), les contraintes (le temps de travail, la possibilité de télétravail ou non, etc.) puis cibler les candidat·e·s (rechercher des profils, programmer des entretiens téléphoniques détaillés, etc.) prend beaucoup de temps. Et le temps, c'est de l'argent. Et le risque c'est de mettre longtemps à chercher (ce qui est problématique pour un poste à pourvoir rapidement) et / ou de finir avec seulement deux personnes à présenter à l'entreprise. Si les deux personnes, pour une raison ou une autre, ne conviennent pas à l'entreprise, le recrutement a échoué et il faut recommencer.
En plus, tout ce que vous aurez pris le temps d'apprendre pour ce recrutement ne vous servira pas nécessaire pour le suivant, votre propre retour sur investissement n'est donc même pas garanti. Soit parce que certaines branches d'activité sont trop complexes et les postes sont très rares. Soit parce que le domaine en question évolue trop rapidement pour rester à jour de tout sur le long terme.
Je pense notamment au domaine de l'informatique (puisque c'est mon lectorat principal, d'après un sondage réalisé sur Twitter) : vous avez des nouvelles technos qui sortent en permanence, des métiers qui évoluent rapidement, des noms de métiers non-normalisés ou qui ont l'air de se ressembler (pour quelqu'un d'extérieur au métier, je veux dire) mais qui en fait sont pas la même chose (j'ai encore du mal avec la différence UX/UI ou devops/sysadmin, par exemple, et ne parlons pas des dévs Full Stack).
Ce qui prend moins de temps, et donc moins d'argent, en revanche, c'est de compter sur la quantité.
Certes, l'inconvénient est de se retrouver avec un tas de candidat·e·s totalement inadéquat·e·s pour le poste. Sauf qu'une bonne partie des personnes vont décliner d'elles-mêmes lors du premier contact téléphonique. Selon la loi des probabilités, si vous contactez 150 personnes, il y a quand-même de fortes chances de tomber sur deux ou trois qui correspondent au profil recherché. Donc c'est a priori bien plus rentable. Surtout si vous confiez cette première partie du recrutement à un stagiaire, qui appellera à la chaîne pendant 6 heures tous les profils qui sortent en résultat du mot-clé tapé dans LinkedIn.
Je ne suis pas d'accord avec cette approche pour des questions éthiques mais du point de vue économique, je peux comprendre qu'elle soit souvent privilégiée.
En entreprise
Je pense qu'on voit beaucoup moins ce genre de comportement quand le recrutement est réalisé par une personne de l'entreprise.
Tout d'abord, parce qu'on est pas sur les mêmes définitions de rentabilité. Comme je l'ai indiqué dans l'article précédent, ce n'est pas évident de déterminer la rentabilité des missions RH.
On peut dire que le coût du recrutement est ici le salaire de la personne qui s'en occupe, c'est-à-dire le temps qu'elle va passer sur ce recrutement. Mais ça, ça marche surtout si la personne est uniquement dédiée au recrutement : qu'elle passe deux jours ou deux semaines sur un même recrutement ne change pas son salaire en fin de mois. Je simplifie volontairement, bien entendu il faut aussi prendre en compte le fait que si le recrutement traîne en longueur, cela aura des conséquences en termes de manque à gagner (chiffre d'affaires non facturé) ou de pertes d'informations dans la transmissions du projet, etc.
Mais si la personne a plusieurs missions RH, le temps qu'elle passe sur le recrutement, elle ne le passe pas à faire autre chose, ce qui peut rendre le calcul plus complexe puisqu'il faudrait intégrer la rentabilité des missions qu'elle ne peut pas réaliser pendant ce temps.
Ensuite, parce qu'on a plus facilement les compétences « sous la main » : responsable d'équipe concernée par le recrutement, collègues, etc. à qui vous pouvez demander des renseignements sur les aspects techniques du profil à recruter.
Et si vous avez un doute quelques jours plus tard (soit parce que vous n'êtes pas sûr d'avoir compris, soit parce que vous avez oublié une question), vous pouvez toujours retourner voir le collègue et demander. Une personne en cabinet aura plus de mal à faire la même chose : si l'entreprise délègue le recrutement à un cabinet, c'est pour éviter d'y passer trop de temps. En sollicitant trop l'entreprise, malheureusement, le cabinet perdrait en crédibilité.
Moralité : préférez toujours rencontrer quelqu'un de l'entreprise, voir une personne accompagnée par un·e membre de l'équipe pour laquelle vous postulez. Et si ce n'est pas le cas, faites confiance aux cabinets qui vous donnent l'impression de vraiment comprendre le contexte au travers d'annonces très travaillées, comme celles de Build RH (Shirley, dont j'ai déjà parlé).
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