Abordons maintenant les fameux textes contenant toutes ces contraintes, qui s'imposent aux employeurs et salariés.

Toutes ces contraintes, élaborées par les différents décideurs dont nous avons parlé dans l'article précédent, sont regroupées dans plusieurs textes, qui vont régir votre vie au travail et la relation employeur·e-employé·e. Ces textes contiennent des règles, des seuils (minimum, maximum) qui s'appliqueront ou non à vous, selon votre situation (par exemple, un accord d'entreprise ne s'applique qu'aux salarié·e·s de l'entreprise concernée).

Le Code du Travail

C'est bien sûr la référence en matières de textes régissant le monde du travail. Enfin, le monde du travail privé, parce qu'il ne s'applique pas, par exemple, aux salarié·e·s du secteur public… oui, j'avoue que j'ai jamais trouvé ça logique, dans la mesure où le Code du Travail est élaboré par les députés… représentants du service public donc… mais bon, on n'en est pas à une contradiction près, en France !

Donc le législateur agit sur les lois, notamment le Code du Travail (qui peut, comme on l'a vu récemment, être modifié par ordonnance).

Vous pouvez, bien sûr, acheter un Code du Travail en librairie. Mais vu à quelle vitesse il est modifié, je ne suis pas sûre que ce soit un très bon investissement. Je vous conseille plutôt de le consulter sur le site Legifrance. Ce site, en plus d'être en accès libre et totalement gratuit, est très bien maintenu, mis à jour dès que nécessaire, et versionné (c'est-à-dire que vous pouvez consulter les versions précédentes, les textes abrogés ou modifiés qui ne sont plus en vigueur).

Deux autres sources que j'aime beaucoup et dont je me sers très souvent :

Ces deux sites sont bien faits, bien maintenus et mis à jour régulièrement. Les fiches sont en général assez complètes et bien expliquées.

Je me sers en général de ces trois sources en parallèle quand j'ai besoin de vérifier un point précis, en complément bien sûr d'une quatrième source, payante : ma documentation juridique professionnelle (Editions Législatives, Editions Francis Lefebvre, etc.).

Les accords nationaux interprofessionnels (ANI)

Un ANI est un texte négocié entre organisations syndicales patronales et salariales sur un point précis du travail (par exemple, l'ANI du 19 juillet 2005 sur le télétravail, qui fait beaucoup parler de lui en ce moment).

Comme son nom l'indique, ce texte ne se limite pas à un secteur d'activité ou une zone géographique, il est négocié au niveau national et toutes branches d'activités confondues. Il est d'ailleurs souvent formalisé ensuite par une loi.

Les accords de branche et conventions collectives

Votre entreprise peut également être soumise, par choix ou par obligation, à différents textes venant adapter ou compléter (en général, en mieux) le Code du Travail en fonction de certains critères (secteur d'activité, zone géographique, etc.).

Les accords de branche

Un accord de branche est un document signé entre les représentant·e·s des entreprises et les organisations syndicales représentatives d'une branche professionnelle, visant à adapter ou compléter le Code du Travail à tout un secteur d'activité : par exemple, l'accord de branche du bâtiment ou des soins à domicile.

Ce ne sont pas forcément les patron·ne·s des entreprises qui vont directement négocier les accords de branche, ce sont souvent des organisations, des fédérations d'employeurs auxquelles les entreprises d'un secteur peuvent ou non adhérer. Leur rôle est, entre autres, d'aller négocier des accords de branche et d'apporter une aide aux employeur·e·s sur certaines questions juridiques, sociales, etc. (comme les organisations syndicales). Dans mon domaine, par exemple, les entreprises peuvent adhérer ou non à la FEHAP.

L'accord s'applique donc bien sûr aux entreprises signataires (sinon y'aurait pas vraiment d'intérêt à aller le négocier et le signer) mais il peut parfois être étendu, c'est-à-dire que le Ministère du Travail décide, par arrêté ministériel, qu'il doit s'appliquer à toutes les entreprises du secteur d'activité, et pas seulement les entreprises signataires. Par exemple, l'accord de branche du bâtiment a été étendu par arrêté ministériel du 06 janvier 2014.

Petit schéma pour mieux visualiser :

Schéma explicatif du texte ci-dessus

Les conventions collectives

Une convention collective est un texte signé entre groupement d'employeurs et organisations syndicales de salariés, visant à adapter ou compléter le Code du Travail en fonction d'un métier, d'une zone géographique, d'une branche professionnelle, etc. En général, elles ont des noms faciles à retenir comme la « Convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 » (surnommée « la Syntec ») ou la « Convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 » (surnommée « la 51 »).

Les accords de branche et conventions collectives sont également tous consultables librement sur le site de Legifrance. Une copie doit également être disponible au sein de l'entreprise (par exemple, la Syntec prévoit dans les premiers articles qu'un exemplaire doit être remis à tout salarié le demandant).

Les accords collectifs

Alors, ce ne sont pas les bâtards d'un accord de branche et d'une convention collective, mais des textes conclus entre un ou plusieurs employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales sur un ou plusieurs points spécifiques (salaire, durée du travail, etc.). On les appelle généralement « accord d'entreprise » (mais le terme regroupe aussi les accords de groupes, d'établissements, etc.). Ils doivent être déposés à la DIRECCTE pour validation et les syndicats bénéficient d'un délai d'opposition sur le texte définitif.

Depuis la Loi du 08 août 2016, ces accords peuvent même, sous certaines conditions, être négociés directement entre employeur et salarié·e·s.

Les accords d'entreprise conclus depuis le 1er septembre 2017 sont également consultables sur le site de Legifrance et bien entendu, une copie doit être à votre disposition au sein de l'entreprise.

Le règlement intérieur

Les entreprises privées de 20 salarié·e·s ou plus doivent avoir un règlement intérieur. Son contenu est strictement défini par la loi : il doit comporter les règles d'hygiène et de sécurité, les dispositions relatives à la discipline et aux droits de la défense des salariés, les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes, ainsi que sa date d'entrée en vigueur.

Le projet de règlement intérieur est rédigé par l'employeur et soumis pour approbation, le cas échéants, au Comité d'Entreprise et au CHSCT et à défaut, aux Délégué·e·s du Personnel. Après signature des parties concernées, un exemplaire original est envoyé au greffe des Prud'Hommes ainsi qu'à l'inspecteur du travail.

Fun fact (source « Sur le lieu de travail, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée. « Toutefois, lorsque la consommation de ces boissons alcoolisées est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur, en application de l’article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d’une limitation voire d’une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché. »

Les décisions unilatérales de l'employeur

Comme son nom l'indique, il ne s'agit pas dans ce cas de négociations, puisque la décision est prise unilatéralement par l'employeur. C'est par exemple le cas pour la mise en place d'une complémentaire santé au sein de l'entreprise : l'employeur va rédiger un document récapitulant les modalités, les tarifs, les conditions d'application, etc. qui va s'imposer à tous les salarié·e·s.

En principe, il s'agit d'accorder aux salarié·e·s des avantages supplémentaires par rapport aux textes ci-dessus, qui n'engagent que l'employeur, sans obligation à la charge du salarié… mais ce n'est pas toujours le cas (si on reprend l'exemple de la mutuelle, il y a bien une obligation à la charge du salarié qui peut se voir contraint d'adhérer à la mutuelle d'entreprise selon les conditions fixées par l'employeur).

Et la jurisprudence dans tout ça ?

La jurisprudence, c'est l'ensemble des décisions de justice rendues sur une question juridique précise.

En France, il faut savoir que la jurisprudence n'a pas force de loi. Ce qui veut dire, très concrètement, que deux procès différents sur une même question juridique (par exemple, le paiement d'une prime particulière pendant un arrêt maladie) peuvent avoir deux résultats différents. Dans les faits, ceci dit, c'est tout de même peu fréquent et c'est pour ça qu'il est toujours intéressant de se renseigner un peu sur cette jurisprudence. Mais, comme elle ne fait pas partie de la loi, elle nécessite pas mal de recherches à côté et laissez-moi vous dire qu'il y en a un paquet, de décisions de justices rendues par jour !

Heureusement, il y a Légifrance ! Qui regroupe en effet toute la jurisprudence (encore une fois, chapeau aux équipes de maintenance, le travail doit être astronomique !), même si parfois il vaut mieux savoir déjà un peu ce qu'on recherche pour éviter de se noyer au milieu des centaines de résultats ! Vous aurez notamment les décisions qu'on évoque le plus souvent car ce sont celles qui font le plus parler : les décisions de la CoCa… bon j'avoue y'a probablement que moi qui l'appelle comme ça, mais ça va plus vite, je parle bien sûr de la Cour de Cassation.

Voilà, a priori, j'ai fait le tour des différents textes qui régissent le travail. Comme vous pouvez le constater, ça en fait un bon paquet.
Dans le prochain article, on s'intéressera à l'articulation de tous ces différents textes… Can't wait, right ? :D