Je sais, je sais… j'ai manifestement un talent inné pour les titres ;)
Cette année encore, le gouvernement nous a bien gâté pour la nouvelle année avec tout plein de cadeaux modifications de la paie. Et qui dit modifications dit millions de paramétrages du logiciel, plantages, redémarrages, tests, 24 000 erreurs par modifications, rollbacks, re-tests et miracle (i.e. ça marche, ta paie est bonne mais tu sais pas trop bien pourquoi ni si ça marchera toujours le mois suivant !)…
Bref, same old, same old quoi. Bon allez, par quoi je commence ?
Cette fois-ci encore, je vais écrire au féminin parce que j'ai déjà écrit plein d'articles au masculin, mais bien entendu par « les salariées », j'entends « les salariées et les salariés » ; et par « les employeuses », j'entends « les employeuses et les employeurs ».
Le SMIC
Il est désormais de 10.03 € bruts de l'heure soit 1 521.22 € pour une salariée à temps plein. Pour mémoire, il était de 9.88 € bruts de l'heure en 2018 (soit 1 498.47 € pour une salariée à temps plein), ce qui représente une augmentation de 1.52 % (contre une augmentation de 1.23 % entre 2017 et 2018).
Source : Insee.
Les cotisations sociales
Bon, ça c'est un peu une constante tous les ans : les taux de cotisations sociales changent au 1er janvier et, en principe, c'est à la hausse. Et parfois, c'est à la baisse… oui parce que malgré des années d'échec, le gouvernement est toujours persuadé qu'en réduisant les cotisations (donc en réduisant le coût du travail), on va soudain embaucher à tour de bras !
La cotisation maladie-maternité-invalidité
À force de faire porter le remboursement des frais de santé par les mutuelles (qui vous coûtent bien plus cher que ce que vous payiez à l'époque en cotisation maladie mais nettement moins à votre employeuse), le budget de la Sécu s'équilibre. Donc si y'a plus de déficit, plus besoin de cotiser !
Du coup, pour célébrer le ragréage du trou de la Sécu (désolée, je supervise des travaux depuis plus d'un an dans mon établissement, ça influence mes chemins de pensée), le gouvernement a décidé de réduire les cotisations maladie-maternité-invalidité de près de moitié !
Oui, oui, vous avez bien lu « près de moitié ». Comme on avait déjà supprimé cette cotisation pour la part salariale l'an dernier, c'est désormais le tour des employeuses éligibles à la réduction de cotisations patronale (on va y venir) : la part patronale de cette cotisation passe à 7 % au lieu de 13 % pour les salariées dont le salaire brut est inférieur ou égal à 2.5 SMIC. Pour les autres, la cotisation reste de 13 %.
Cela représente une diminution des cotisations patronales entre 91 € (pour une salariée au SMIC) et 228 € pour une salariée à 2.5 SMIC !
– Eh Polo, sinon on diminue la CSG-CRDS à la place, vu qu'on les avait créées pour combler le trou de la Sécu. En plus, ça fait à-peu-près les mêmes sommes et comme ça, on augmente le pouvoir d'achat des plus précaires et…
– Nan, mais les gens ils vont pas comprendre, ça va être trop compliqué pour eux !
La réduction générale des cotisations sociales
Alors c'est pas tout-à-fait nouveau, certaines structures en bénéficiaient déjà (on l'appelait la « réduction Fillon » entre nous) mais elle a été généralisée à plus de structures (voir ici la liste des employeuses concernées sur le site du Service Public).
Elle a été étendue pour compenser la suppression du CICE (au succès extraordinaire… selon le MEDEF !) et le CITS (qui lui-même avait été mis en place pour les structures qui n'avaient pas droit au CICE).
Bon, dans les faits, ça dépend des structures : par exemple, mon ancienne association bénéficiait à la fois de la réduction Fillon et du CITS donc en fait, elle y perd désormais, notamment parce que la formule de la réduction générale est moins intéressante que celle de la réduction Fillon.
La réduction générale s'applique aux salariées dont le salaire brut est compris entre 1 et 1.6 SMIC et je ne résiste bien sûr pas au plaisir de vous donner la formule de cette réduction :
(T / 0.6) × ((1.6 × SMIC annuel brut / rémunération annuelle brute de la salariée) - 1) × Rémunération annuelle brute de la salariée
Sachant que T est de 0.2809 pour les entreprises dont la cotisation FNAL est de 0.10 % ou de 0.2849 pour les entreprises dont la cotisation FNAL est de 0.50 %.
Ainsi pour une entreprise dont la cotisation FNAL est de 0.10 %, l'économie de cotisations peut aller jusqu'à 427 € par mois (pour une salariée au SMIC) et pour une entreprise dont la cotisation FNAL est de 0.50 %, l'économie de cotisations peut aller jusqu'à 433 € par mois (pour une salariée au SMIC).
En octobre, cette réduction générale intègrera également les cotisations d'assurance chômage (qui ont déjà bien fondu depuis l'an dernier) et le coefficient T sera donc de 0.3214 pour les entreprises dont la cotisation FNAL est de 0.10 % ou de 0.3254 pour les entreprises dont la cotisation FNAL est de 0.50 %.
Ainsi pour une entreprise dont la cotisation FNAL est de 0.10 %, l'économie de cotisations pourra aller jusqu'à 489 € par mois (pour une salariée au SMIC) et pour une entreprise dont la cotisation FNAL est de 0.50 %, l'économie de cotisations peut aller jusqu'à 495 € par mois (pour une salariée au SMIC).
Je ne peux pas donner un impact net de cette modification, car je ne connais pas le montant que pouvait représenter le CICE pour les entreprises concernées. Et que la taxe sur les salaires incluait la part patronale de cotisation de prévoyance qui varie d'une entreprise à l'autre.
Divers
Côté salariée, y'a quand-même eu deux petites miettes :
- la non-augmentation des cotisations vieillesse (qui financent le système de retraite de base de la Sécu, mais vous allez comprendre pourquoi un peu plus bas)
- l'exonération des heures supplémentaires (pour des salariées à temps plein) ou complémentaires (pour les salariées à temps partiel). Ne vous emballez pas non plus, on parle d'exonération des cotisations de retraite de base et retraite complémentaire uniquement et dans la limite de 11.31 % et d'impôt sur le revenu dans la limite de 5000 € par an (5000 € c'est la rémunération brute des heures supplémentaires pas le montant de l'impôt économisé !)
Bon à savoir pour les salariées au forfait jour : cette dernière mesure s'applique également à la majoration de rémunération qui vous est versée en contrepartie d'une renonciation à des jours de repos.
Bon et quelques autres trucs sur le forfait social et la contribution formation-apprentissage, mais c'est moins passionnant à lire (mais si vous êtes plusieurs à me le réclamer, je ferai un édit de cet article pour les rajouter !).
La fusion AGIRC-ARRCO
Je vous fais un tout petit résumé très rapide de l'historique des régimes de retraite : l'AGIRC est l'Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres, créée le 14 mars 1947 (les cadres ne voulant pas être intégré au régime général de la Sécurité Sociale, créée en 1945).
L'ARRCO est l'Association pour le Régime de Retraite Complémentaire des Salariés, créée en décembre 1961 (regroupant les milliers de régimes de retraites de salariées qui existaient jusqu'alors).
Et donc, depuis le 1er janvier, ces deux associations ont fusionné au sein du GIE AGIRC-ARRCO. L'idée étant bien sûr d'harmoniser les retraites des cadres et des non-cadres. Allez je vous fais un petit avant-après, pour que vous vous rendiez compte de la révolution totale que cette fusion a générée (ou pas !).
NB : les taux de cotisations retraite peuvent varier selon les conventions collectives, je ne donne donc ici que les taux minimums publiés par l'URSSAF.
Avant la fusion
Pour les cadres, le salaire est découpé en 3 tranches :
- tranche A : salaire inférieur à 1 PMSS (soit en 2018 de 0 € à 3 311 €) ;
- tranche B : salaire entre 1 et 4 PMSS (en 2018 de 3 311 € à 13 244 € par mois) ;
- tranche C : au-delà de 4 PMSS (en 2018 donc au-delà de 13 244 €).
Les cotisations de retraite complémentaire des cadres :
- retraite complémentaire de 7.75% sur la tranche A, de 20.55% sur la tranche B et sur la tranche C ;
- AGFF de 2.00% sur la tranche A et de 2.20% sur la tranche B ;
- CET de 0.35% sur la totalité du salaire (dans la limite de 8 PMSS quand-même) ;
- GMP pour les cadres dont le salaire ne permettait pas une cotisation de retraite suffisamment élevée pour avoir le nombre de points de retraite suffisant.
Pour les non-cadres, le salaire n'était découpé qu'en deux tranches :
- tranche 1 : salaire inférieur à 1 PMSS (pourquoi ne pas l'avoir appelée tranche A aussi ? j'ai jamais vraiment su) ;
- tranche 2 : salaire entre 1 et 3 PMSS (en 2018 donc le salaire de 3 311 € à 9 933 €).
Les cotisations de retraite complémentaire des non cadres :
- retraite complémentaire de 7.75% sur la tranche 1 et de 20.25% sur la tranche 2
- AGFF de 2.00% sur la tranche 1 et de 2.20% sur la tranche 2
Après la fusion
Il n'y a donc désormais plus que deux tranches pour tous les salariés :
- tranche 1 : salaire inférieur à 1 PMSS (en 2019 c'est donc le salaire entre 0 € et 3 377 € par mois) ;
- tranche 2 : salaire entre 1 et 8 PMSS (le salaire de 3 377 € à 27 016 €).
Et donc, au niveau des cotisations de retraite :
- retraite complémentaire de 7.87% sur la tranche 1 et de 21.59% sur la tranche 2
- CEG de 2.15% sur la tranche 1 et de 2.70% sur la tranche 2
- CET de 0.35% sur la totalité du salaire
Bref, finalement, rien n'a beaucoup changé :
- la CEG a remplacé l'AGFF et la GMP - avec, je vous l'accorde, un nom qui veut bien rien dire (équilibre de qui ? de quoi ?) alors que le nom de la précédente expliquait son but, même si à part les RH, plus personne le savait vraiment
- la CET a remplacé… ben la CET - mais là, ils ont réussi à changer le nom sans changer l'acronyme : respect ! Le nom veut encore plus rien dire que la précédente (équilibre « technique » ? pourquoi « technique » ? de qui ? de quoi ?)… bon après, faut avouer que « Contribution Exceptionnelle et Temporaire » pour une cotisation qui existe depuis plusieurs décennies, ça fait moche !)… la seule différence étant qu'elle s'applique désormais également aux non-cadres dont le salaire est supérieur à 1 PMSS (sur la totalité du salaire dans ce cas). Et du coup, comme ça concerne plus de salariées, et que ça risquait de mettre en péril l'achat annuel de yacht des patrons, en compensation, la répartition a été légèrement modifiée entre part salariale (qui passe de 0.13% à 0.14%) et la part patronale (qui passe de 0.22% à 0.21%).
Le bonus-malus
Et alors, sur le même papier qui m'expliquait, à grand renfort de couleurs vives et de petits bonhommes, à quel point cette fusion serait merveilleuse pour la retraite de mes salariées, il y avait au verso, une explication sur le principe de bonus-malus !
Je ne sais pas s'il existait déjà avant parce que l'an dernier, j'avoue que je ne m'étais pas vraiment intéressée aux problématiques de la retraite, mais comme ils en font la pub sur mon papier cette année, je partage !
Pour comprendre la suite, il faut distinguer :
- la retraite au régime de base (Sécurité Sociale)
- la retraite complémentaire
Pour avoir la retraite au régime de base à taux plein, il faut remplir des conditions d'âge ou de trimestres de cotisations. Comme vous le savez, l'âge légal de départ à la retraite a été repoussé à 63 ans depuis 2016. Mais en ce qui concerne la retraite de base, vous pouvez en bénéficier avant 63 ans si vous avez suffisamment de trimestres de cotisations.
Par exemple, une salariée née en 1957 peut en bénéficier dès lors qu'elle a cotisé à la retraite de base pendant 166 trimestres (soit 41 ans et 6 mois). Vous pouvez aller vous amuser à regarder l'évolution des conditions de retraite à taux plein sur le site du Service Public… oui, chacun ses amusements ! Vous y trouverez aussi les dérogations possibles pour une retraite à taux plein malgré un départ à la retraite anticipé ou un nombre insuffisant de trimestres. Bref, c'est intéressant, allez voir !
Alors quand on parle du régime de base, la retraite « à taux plein » signifie que votre montant de retraite représente 50 % de votre salaire annuel moyen. Ouais, c'est assez violent comme passage ! Et je pense que c'est principalement pour cette raison qu'ont été créés les régimes de retraite complémentaire.
Pour la retraite complémentaire, justement, c'est un peu différent et les salariées nées à partir du 1er janvier 1957 ont ce que le GIE AGIRC-ARRCO appelle le choix. Pour cela, prenons le cas de Georgette, née le 1er janvier 1957, qui a cotisé 166 trimestres au 31 décembre 2018 et espérait donc prendre sa retraite à taux plein au 1er janvier 2019, à 62 ans.
Elle a donc « le choix » concernant sa retraite complémentaire (je rappelle qu'elle peut dans tous les cas percevoir la retraite de base à taux plein dès maintenant) de partir à la retraite à :
- 62 ans et percevoir une retraite complémentaire minorée de 10 % pendant 3 ans ! Il lui faudra donc attendre 65 ans pour bénéficier de sa retraite complémentaire à taux plein
- 63 ans et percevoir une retraite complémentaire à taux plein de suite
- 64 ans et percevoir une retraite complémentaire majorée de 10 % pendant 1 an
- 65 ans et percevoir une retraite complémentaire majorée de 20 % pendant 1 an
- 66 ans et percevoir une retraite complémentaire majorée de 30 % pendant 1 an
On voit donc que cette mesure incite clairement à repousser d'un an l'âge de départ à la retraite, indépendamment des trimestres de cotisation, puisque la « pénalité » de partir à 62 ans s'applique pendant 3 ans. Mon petit papier précise par ailleurs que, si vous choisissez de prolonger votre activité salariée au-delà de 62 ans, « vous êtes susceptibles de bénéficier d'une surcote au régime de base » (c'est à dire de gagner un peu plus que ce que vous deviez percevoir de la Sécu).
NB : ils n'ont tout de même pas poussé le vice trop loin puisque la minoration de 10 % pendant 3 ans ne s'applique pas aux retraitées exonérées totalement de CSG, retraitées handicapées, retraitées au titre du dispositif amiante ou de l'inaptitude, retraitées ayant élevé un enfant handicapé ni aux aidants familiaux.
Le prélèvement à la source
And the winner is… le PAS comme on l'appelle chez nous ! C'est un peu le cadeau empoisonné pour les RH, parce qu'on nous impose de le gérer mais sans vraiment le gérer.
En clair, le logiciel récupère les taux sur le site des impôts et il apparaît sur la fiche de paie, mais s'il y a un souci, ou des questions ou des réclamations, on nous demande d'adresser la salariée au service des impôts. Ne soyez pas étonnée en tous cas, si vous demandez aux impôts un changement de taux ou un changement de situation, si ce changement n'intervient que deux mois plus tard (c'est une histoire de délai de communication des taux puisqu'ils ne nous sont communiqués qu'une fois par mois, donc selon la date, ça passe le mois suivant).
Alors, ce prélèvement à la source, on le préparait déjà depuis plus d'un an, puisqu'il était censé passer au 1er janvier 2018 avant d'être retardé. Je ne vais pas entrer dans les détails techniques, mais nous avons eu la joie de devoir paramétrer nos logiciels de paie, pour prendre en compte tous les cas particuliers engendrés par ce prélèvement (contrats courts, indemnités sécu, etc.). Autant vous dire, des moments de joie intense…
Bon et plein d'autres choses parce que les réformes vont bon train mais j'avoue que je n'ai pas eu le temps de tout creuser !
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