Parlons maintenant durée du travail. J'ai déjà abordé la question de la durée du travail dans des articles précédents donc je ne vais pas tout retaper ici mais puisque j'avais préparé cette conférence pour un public majoritairement « informatique », pour rentabiliser mes recherches, je vais inclure en deuxième partie de cet article, les spécificités de la Syntec en matière de durée du travail. Pour les salarié·e·s hors Syntec, vous pouvez donc vous contenter de la première partie et des renvois aux autres articles (ou lire aussi la partie Syntec parce que c'est super intéressant !).
Comme à chacun de mes articles, gardez en mémoire que tout ce que je raconte ici peut être remis en question en cas d'accord collectif plus favorable. Je ne vous donne que les seuils légaux et / ou conventionnels.
Code du Travail
J'avais déjà fait deux articles absolument géniaux sur la durée du travail et plus spécifiquement sur le forfait jours que je ne peux que chaudement vous encourager à lire si ce n'est déjà fait… mais, comme je suis bien gentille, je vais reprendre ici les bases.
La durée légale
La durée légale du travail est fixée à 35 heures hebdomadaires. Vous remarquerez que je n'ai pas dit « 7 heures par jour sur 5 jours de travail ». Certaines entreprises font le choix d'allonger un peu la durée quotidienne pour avoir un repos hebdomadaire plus long (par exemple : 8 heures par jours sur 4 jours et 3h sur le 5e jour).
En revanche, la loi fixe des plafonds, même en cas d'heures supplémentaires :
- 10 h/jour
- 48 h/semaine
- 44 h/semaine en moyenne sur 12 semaines consécutives
Sauf que tous les métiers ne sont pas compatibles avec un temps de travail à 35 heures par semaine, donc la loi prévoit une autre possibilité : les conventions de forfait (en heures ou en jours).
Les conventions de forfaits en heures
Les conventions de forfait en heures peuvent être conclues même si elles ne sont pas prévues spécifiquement dans un accord collectif mais elles doivent être écrites et signées par l'employeur et le salarié (dans le contrat de travail, dans une convention annexe, sur un post-it ou un confetti, ce que vous voulez, le tout c'est que les conditions y soient rédigées clairement et signées par les deux parties).
Pour la petite histoire, la durée de légale du travail avant 1998 était de 39 h. C'est pourquoi une des conventions les plus répandues est le forfait à 169 h par mois qui correspond à une moyenne de 39 h par semaine.
Et puisque la durée de votre travail est supérieure à la durée légale, l'employeur·se doit compenser le dépassement de cette durée légale. Iel peut le faire en majorant le salaire (tous les mois, vous avez X heures supplémentaires payées au taux de majoration prévu) ou en augmentant le temps de repos (les fameuses JRTT qui font qu'au total, sur l'année, vous n'avez pas dépassé la durée légale du travail… en gros vous avez des semaines plus longues mais moins de jours travaillés en tout dans l'année).
Les conventions de forfait en jours (ou « forfait jours »)
Ce sont celles qui font couler le plus d'encre ! Elles sont un peu spécifiques et ne peuvent être proposées aux salarié·e·s que si elles sont prévues dans l'accord de branche ou la convention collective dont dépend l'entreprise car elles ne sont pas prévues en tant que telles dans le Code du Travail.
Pour autant, ces conventions sont très encadrées par la loi, notamment depuis celle du 8 août 2016, afin d'éviter le grand n'importe quoi. Le Code du Travail définit à qui elles s'adressent et les seuils à respecter.
Contrairement à ce qu'on entend souvent, ces conventions ne sont pas réservées aux cadres mais :
- aux « cadres autonomes dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif » ;
- aux « salarié·e·s dont la durée du travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice de leurs responsabilités ».
Donc le critère principal, c'est l'autonomie dans vos tâches, et du fait de cette autonomie, cela n'aurait pas de sens de vous soumettre à un horaire, c'est pourquoi votre temps de travail sera décompté en jours et non en heures.
Et j'insiste là-dessus : un·e salarié·e au forfait jours n'a pas d'horaires (et donc pas non plus de « plage horaire » mentionné sur le contrat). Après, attention, si vous devez superviser une équipe ou travailler en collaboration avec certaines personnes, et que vous n'êtes jamais là aux mêmes horaires, ça va être compliqué. Mais encore une fois ce n'est pas parce que votre employeur·e vous impose les horaires, c'est le fait de remplir votre mission et vos responsabilités qui font que vous déterminez vos horaires.
Alors, techniquement, vous pouvez être au forfait jours et travailler 30 heures par semaine… si après tout vous arrivez à remplir toutes les missions qui vous sont confiées, l'employeur ne peut rien vous dire. Sauf qu'en réalité, quand on vous propose un forfait jours, c'est souvent accompagné de grands pouvoirs, et du coup, vous ferez plus facilement 40 ou 50 heures par semaines que 30 !
En revanche, comme je vous l'ai dit, la loi encadre le forfait jours et fixe certains seuils :
- repos obligatoire de 11 heures entre deux journées de travail (on a souvent tendance à dire que ça signifie des journées de 13 heures maximum mais ce n'est pas tout à fait vrai parce qu'on parle bien de 11 heures de repos entre deux journées de travail, donc vous pourriez bosser de 6h à 22h le lundi, et rembaucher le mardi à 9h du matin) ;
- repos hebdomadaire obligatoire de 35 heures d'affilées (qui correspond à une journée complète de repos par exemple le dimanche + les 11 h de repos mentionnés précédemment) ;
- bénéfice des jours fériés chômés dans l'entreprise (un salarié au forfait jours doit bénéficier de tous les jours fériés chômés dans l'entreprise, au même titre que ses collègues).
Et… c'est tout ! Les dispositions d'ordre public sur la durée légale hebdomadaire (35 heures par semaine), la durée légale quotidienne maximale (10 heures par jour) et la durée légale hebdomadaire maximale (48 heures par semaine ou 44 heures en moyenne sur 12 semaines d'affilées) ne s'appliquent pas aux salarié·e·s en forfait jours.
Je me suis amusée à faire le calcul d'une semaine où on se limiterait au respect des contraintes légales : ça donne une semaine de travail du lundi au samedi de 8 heures à 22 heures, soit un temps de travail hebdomadaire total de 84 heures (je doute qu'on soit très efficace jusqu'au bout, mais on a respecté les contraintes légales !). Et tout ça, bien entendu, sans prétendre au paiement d'heures supplémentaires, puisque votre temps de travail ne se décompte pas en heures mais en jours donc parler d'heures supplémentaires n'aurait pas de sens.
Et c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles, en général, les salaires du forfait jours sont plus élevés.
Syntec
Et dans la Syntec, comment ça se passe ? La Convention Collective Syntec prévoit trois modalités spécifiques en termes de durée du travail.
1. La modalité standard
Elle correspond à la durée légale du travail telle que présentée précédemment : 35 heures par semaine. Cette modalité concerne, a priori, tous les ETAM.
Donc là, rien d'extraordinaire, la convention reprend juste les modalités et les seuils du Code du Travail.
2. La modalité « Réalisation de missions »
C'est la fameuse modalité 2, qui a fait couler beaucoup d'encre ! D'ailleurs, on l'appelle souvent dans la presse le « faux forfait jours », je vous laisse imaginer comment a souvent été interprétée ou présentée cette modalité en entreprise… Il semblerait que ce soit la plus répandue dans les métiers des travailleurs·euses Syntec. En tous cas, c'est celle dont j'ai eu le plus l'occasion de discuter avec les personnes concernées.
Cette convention a été créée pour s'adapter aux spécificités du monde du développement logiciel dont les salarié·e·s interviennent régulièrement chez des clients, notamment en régie ; or ces clients n'ont pas les mêmes horaires que l'entreprise employante. Il fallait donc, pour signer des contrats, être « flexible » (les SS2I - désormais ESN - étaient donc macronistes avant l'heure !).
C'est pour cette raison que cette modalité est un peu une hybride entre forfait heures et forfait jours. En théorie, vous êtes aux 35 heures mais pour s'adapter aux contraintes du client, vous pouvez travailler jusqu'à 38 h 30 sans modification de votre rémunération mensuelle.
Les heures effectuées au-delà ne sont pas non plus forcément des heures supplémentaires puisqu'elles constituent une réserve de suractivité qui pourra venir compenser les intercontrats et des jours de récupération.
Jusque-là, ça parait plutôt simple. Mais la confusion entre cette modalité et un forfait jours vient du fait que, pour garantir aux salarié·e·s en régie les mêmes droits que les autres en termes de congés payés et jours fériés, la convention prévoit aussi une limite du temps de travail en jours : 219 jours travaillés par an maximum, journée de solidarité comprise.
J'ai souvent entendu dire que la modalité 2, c'était « les 38 h 30 payées 35 h » mais ce n'est pas le cas et j'en parlerai dans la partie sur la rémunération.
La convention précise que cette modalité est réservée aux salarié·e·s non concernés par la première ou la troisième modalité. C'est un peu comme la poubelle noire (c'est tout ce qui ne va ni dans la verte ni dans la jaune !).
3. La modalité « Réalisation de missions avec autonomie complète »
Ah tiens, elle a dit « autonomie » comme pour les forfaits jours… Eh bien, tout-à-fait, puisque celle-ci, pour le coup, c'est un vrai forfait jours.
Fun fact : la première version de cette modalité rédigée dans la Syntec était quelque peu… comment dire ? Discutable.
Un avenant a été signé le 1er avril 2014 pour se remettre dans les clous. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer la première phrase de cet avenant :
les parties signataires réaffirment leur attachement aux droits à la santé, à la sécurité et au repos du salarié…
Autant vous dire que quand on a besoin de préciser ça, c'est qu'en général, c'est pas si évident que ça à la lecture du texte en lui-même !
Cette modalité prévoit donc un maximum de 218 jours travaillés par an, journée de solidarité comprise (vous remarquerez que ça fait un de moins que dans la modalité précédente). Elle est réservée à une certaine catégorie de personnel : les cadres en position 3 ou au-delà (mais y'a que 3 positions pour le moment dans la classification des cadres), les mandataires sociaux et les salariés, quel que soit leur statut, bénéficiant d'une rémunération au moins supérieure à deux fois le plafond de la sécurité sociale (donc pour 2018 ça donne un salaire mensuel minimum de 6 622 € bruts, autant vous dire qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de salariés non cadres percevant ce salaire !).
Si vous relevez de cette modalité, votre contrat de travail doit le préciser clairement ainsi que les raisons pour lesquelles vous êtes concerné·e.
Pour les seuils, la convention reprend les seuils légaux indiqués précédemment (en même temps, elle n'avait pas le choix), mais précise bien que le respect de ces limites n'ont pas pour but de porter toutes le journées de travail à 13 h, et qu'il s'agit bien d'une amplitude maximum exceptionnelle.
Vous remarquerez que je n'ai pas indiqué le nombre de jours de RTT, et pour cause : leur nombre varie d'une année sur l'autre en fonction du nombre de samedi et dimanche dans l'année et des jours sur lesquels tombent les fériés. Pour en savoir plus sur le calcul du nombre de RTT par an, je vous renvoie à un de mes articles précédents assez détaillé sur le sujet (le calcul en lui-même est dans la note de bas de page n°6) !
Voilà, c'est tout pour cette fois sur la durée du travail. On se retrouve dans le prochain article sur la rémunération ;)
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