Janvier, c'est le temps des bonnes résolutions, des paris un peu fous, des galettes, du repos du foie, du renouveau et… de prise de tête pour les RH ! Pourquoi ? Parce que le Père Noël nous laisse toujours quelques cadeaux pour le Nouvel An, histoire qu'on ne déprime pas à la reprise ! Bon sauf que pour nous, le Père Noël, c'est le gouvernement, qui nous sort toujours un truc nouveau à mettre en place en janvier (parfois on s'y prépare un an à l'avance et en fait… c'est pas mis en place – au hasard, le prélèvement à la source !).
En plus, les nouveaux taux de cotisations sociales sortent en janvier mais, bien sûr, pas tous en même temps. Et si l'URSSAF publie le récapitulatif dès les premiers jours de janvier (faut aussi dire quand ça va !), parfois, on est un peu obligé·e·s de harceler les organismes complémentaires (retraite, DGFIP, prévoyance et mutuelle) pour les avoir tous. En général, on commence à avoir des sueurs froides aux alentours du 20 janvier, quand on voit la paie approcher et qu'on a toujours pas tous les taux, parce qu'on sait qu'il faudra ensuite faire des régularisations le mois suivant… quand c'est possible (pour les CDD ou CDI qui sont partis, tant pis pour nous, on ne va pas aller leur réclamer les quelques euros de différence !).
Bref, tout ça pour dire que janvier, c'est pas notre mois favori. Et encore, depuis cette année, on n'a plus le récapitulatif annuel de toutes les informations de paie pour tou·te·s les salarié·e·s de la boite à faire !!!
Et cette année encore, je dois avouer que le Père Noël a été généreux !!! Déjà, on a eu le bulletin simplifié. Il a fallu bien vérifier les paramètres de nos logiciels et le respect des contraintes légales. Ensuite, quelques taux de cotisation à revoir, accompagné d'un superbe discours commercial justifiant la « topissitude « ultime de ces nouvelles mesures, mais je vous garde en haleine pour le moment et ne vous en dis pas plus !
Nous allons donc parler aujourd'hui des nouveaux taux de cotisation pour 2018 et des impacts que ces changements pourraient avoir pour l'avenir. Ce sont des pistes de réflexion bien sûr, je ne détiens pas (encore) la science infuse !
Comme c'est touffu, un plan pour vous repérer :
Pour vous donner un ordre d'idée des montants que ces différentes mesures peuvent représenter, je vais prendre l'exemple, tout au long de l'article, de Mme A qui perçoit un salaire brut mensuel de 2 000 €. Pour info, le SMIC au 1er janvier 2018 s'élève à 1 498,47 € (contre 1 480,30 € en 2017). Et, toujours dans un esprit de simplification, admettons que son salaire n'augmente pas entre décembre 2017 et janvier 2018 (je rappelle que tant que votre salaire est supérieur au SMIC, votre employeur n'est pas tenu de vous augmenter tous les ans).
Les taux de cotisations
Labes de cotisation !
Maladie
Vous l'aurez remarqué (ou pas, pour celleux qui lisent juste la ligne « Net à payer » !) sur votre bulletin de cotisation : votre cotisation salariale « Assurance maladie, maternité et invalidité » a disparu.
L'impact est modéré puisque le taux de cotisation salarial était de 0,75 % en 2017 et se calcule sur la totalité du salaire brut. Mme A va pouvoir rajouter du ketchup dans ses pâtes à la fin du mois puisqu'elle bénéficie donc d'une réduction de cotisation maladie de 15 €.
La part patronale passe, elle, à 13 % contre 12,89 % en 2017 (hors Contribution Solidarité Autonomie), soit une hausse de cotisation de 2,20 € pour l'employeur sur le salaire de Mme A.
Chômage
Idem pour celleux qui détaillent leur fiche de paie : ça sent le régime post-fêtes de fin d'année ! Le taux de cotisation chômage salarial est désormais de 0,95 % (contre 2,40 %) ; Mme A pourra donc ajouter du beurre si elle préfère puisqu'elle économise désormais 29,00 € par mois sur sa cotisation chômage.
La part patronale passe à 4,05 % (contre 4 % en 2017), soit une augmentation de 1,00 € (oui, oui, la virgule est bien au bon endroit) !
AGS (Association pour la Garantie des Salaires)
C'est une cotisation uniquement patronale, créée en 1974 afin d'assurer le paiement des salaires en cas de liquidation d'une entreprise. C'est une cotisation mutualiste, elle n'est pas rattachée à votre personne. Elle s'appelle peut-être FNGS sur votre bulletin. Mais maintenant, vous pouvez toujours la chercher, vous risquez pas de la trouver. Elle est noyée au milieu des autres dans la ligne « Autres contributions dues par l'employeur « .
Début 2017, elle était de 0,25 %, elle est passée à 0,20 % fin 2017 puis à 0,15 % au 1er janvier 2018 (est-ce à croire que plus aucune boîte ne fera faillite ? ou que même en cas de liquidation, l'entreprise aura toujours suffisamment mis de côté pour payer ses salarié·e·s ? ou que… oh, une licorne !).
Cette baisse de cotisation n'a pas d'impact sur le salaire net de Mme A, mais pour le reste de la Nation Française, cela représente une diminution de contribution de 1,00 € (par mois, pour une salariée à 2 000 € bruts mensuels… je vous laisse faire le calcul sur la masse salariale française totale sur l'année).
Pénibilité
Bon Paulo, j'aime pas ce mot, « pénibilité« … ça fait genre les gens ils s'usent au travail, c'est nul… t'as pas un autre mot ? Non ?… Bah on vire carrément la cotisation alors hein ? Ce sera aussi mieux !
Hypothétique conversation au sein du gouvernement
Eh oui, encore une cotisation patronale qui a été mise KO, et celle-là, deux ans seulement après sa mise en place ! Le gouvernement précédent avait défini 10 critères de pénibilité au travail (travail de nuit, travail en milieu hyperbare, manipulations d'agents chimiques dangereux, gestes répétitifs, manipulations de charges lourdes, etc.). En contrepartie, les employeurs devaient s'acquitter d'une cotisation de base pour tou·te·s leurs salarié·e·s et d'une cotisation additionnelle pour les salarié·e·s concerné·e·s par ces critères de pénibilité au travail. Le tout permettant aux salarié·e·s exposé·e·s à ces critères de pénibilité de bénéficier (à looooooong terme mais c'est mieux que rien) d'une formation pour reconversion professionnelle ou d'une retraite anticipée.
Pour éviter que ce soit trop violent pour Pierre Gattaz les entreprises, un plan sur 3 ans avait été prévu : en 2015, on ne prenait en compte que 4 critères de pénibilité sur les 10 prévus et l'employeur cotisait uniquement au taux de 0,10 % du salaire brut pour les salarié·e·s en mono-exposition (i.e. exposé·e·s à un seul critère). Pour les salarié·e·s en poly-exposition (i.e. exposé·e·s à plusieurs critères, par exemple, un travailleur de nuit en milieu hyperbare), la cotisation était de 0,20 % du salaire brut.
En 2016, on intégrait les 6 autres critères mais les taux de cotisation restaient les mêmes.
En 2017, enfin, l'employeur s'acquittait de la cotisation dite « de base », soit de 0,01 % de la masse salariale brute totale et de la cotisation additionnelle de 0,20 % du salaire brut des salarié·e·s en mono-exposition et de 0,40 % du salaire brut des salariés en poly-exposition.
En parallèle, fut créé le C3P (non, non, j'ai pas oublié le O), le Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité. J'avais prévu d'en faire un article quand j'aurais le temps mais ce serait plus une oraison funèbre qu'il faudrait rédiger maintenant.
Car en 2017, bim, élection présidentielle… arrive à la tête de notre pays un président jeune et dynamique, fort chafouiné par le concept de « pénibilité au travail »… car comme chacun sait, il n'est de vraie beauté dans la vie que l'activité professionnelle. Finalement, est-ce que le bonheur incommensurable de pouvoir dire « j'ai travaillé toute ma vie » ne vaut pas la peine d'arriver complètement détruit à la retraite au point de ne pas en profiter ? D'ailleurs, on va s'attaquer bientôt à cette histoire de retraite… c'est moche comme mot aussi. Ça fait vieux et inactif, et nous on est la start-up nation bordel ! on a la niaque !!!).
Si l'on en croit différentes sources, cette mesure fut controversée car trop compliquée à mettre en place dans les entreprises… j'ai tellement de choses sarcastiques à dire à ce sujet que je vais me taire. Je vous laisse plutôt lire cet article qui vaut son pesant de cacahuète.
Alors, je reconnais, quand on nous l'a présenté, j'ai un peu râlé aussi en me disant que j'allais jamais m'en sortir de cette paperasse. Je l'admets, j'aurais apprécié que le dispositif soit un peu simplifié, notamment au niveau de l'évaluation des critères afin de ne pas entrer dans des usines à gaz de calculs. Mais franchement, supprimer le tout en disant que la pénibilité au travail, c'est dans la tête ?
Bref, je m'emporte. Alors puisque le travail c'est que du bonheur, mieux vaut virer le terme de pénibilité… donc la cotisation, hein, puisque si le concept n'existe plus, ça sert à rien de cotiser pour… et donc le C3P est devenu… mais oui, le C2P, autrement dit que le Compte Professionnel de Prévention… Prévention de quoi, on ne sait plus du coup, mais c'est pas grave. Vous noterez également la subtile substitution (bon courage aux lecteurs vocaux !) du mot « Personnel » pour celui de « Professionnel »…
Et c'est pas fini !. Il ne reste plus que 6 critères ! Pour le plaisir, je vous remets les 4 qui n'ont pas été retenus (qui ne sont donc pas considérés comme des facteurs d'un travail « pénible ») :
- les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
- les manutentions manuelles de charges lourdes ;
- les vibrations mécaniques ;
- les agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées.
Voilà, voilà… The defense rests (ouais, en ce moment, je regarde How to get away with murder !).
Pour finir sur la pénibilité, ils ont tout de même laissé un truc : l'employeur déclare en fin d'année la liste des salarié·e·s exposé·e·s. Et, comme chez Auchan, lea salarié·e cumule des points de fidélité, euh pardon, des points de pénibilité (à raison de 4 points par an pour une mono-exposition et 8 points par an pour une poly-exposition, ces points étant doublés pour les salariés nés avant 1956 – soit de plus de 62 ans, autrement dit doit pas en rester masse non plus surtout dans les métiers poly-exposés !) avec un maximum de 100 points sur toute une carrière. Ces points pourront ensuite être utilisés pour des formations en vue d'une reconversion vers un poste moins ou pas exposé, pour bénéficier d'un temps partiel sans perte de salaire ou pour un départ anticipé à la retraite.
Des questions ?
Comment sont valorisés ces points ?
Oui, une autre question ?
Comment sont financées ces mesures, puisqu'il n'y a plus de cotisation correspondante ?
Rhaa mince, on a été coupés, une autre question ?
Que sont devenues les cotisations de 2015 à 2017 ?
Eh bien merci d'avoir participé à notre émission et à bientôt !
Bon j'exagère, j'imagine qu'en fouillant encore mieux, on doit pouvoir trouver les réponses à ces questions. Mais les réponses ne sont a priori pas synthétisées dans un document qu'on s'attendrait pourtant à trouver !
La hausse
En contrepartie, parce que Noël, c'est bien aussi quand ça s'arrête, la CSG a bien grandi ! Elle est désormais de 6,80 % (contre 5,10 % en 2017).
Quand la mesure a été annoncée, j'ai été mauvaise langue parce que je pensais qu'ils nous colleraient l'augmentation sur la CSG non déductible (celle qui est prise en compte dans l'impôt sur le revenu). Mais non…
Cette cotisation a quelques particularités : c'est la seule cotisation due sur les IJSS (les indemnités de la Sécurité Sociale en cas d'arrêt maladie) et sur l'ARE (oui parce qu'on ne dit plus « allocation chômage », ça faisait genre on payait aux gens leurs voyages aux Bahamas, désormais on dit Allocation de Retour à l'Emploi).
C'est également une des rares cotisations sociales à être due sur tout un tas de trucs (notamment la retraite).
Enfin, l'assiette de la CSG ne se calcule pas sur le salaire brut. Alors pour les novices de mes articles et noobs de la paie, l'assiette dont je parle ne fait pas référence à de la vaisselle mais à la base de calcul. Donc l'assiette de la CSG est un peu particulière (preuve s'il en faut des effets néfastes de l'acide sur les connexions cérébrales) : 98,25 % du salaire brut + part patronale des cotisations de prévoyance + part patronale des cotisations de mutuelle.
Pourquoi ? Parce qu'on (enfin quand je dis « on »…) considère que le fait que l'employeur participe au financement du régime de prévoyance et de mutuelle (ou frais de santé) constitue pour vous un avantage, une sorte de salaire puisque sans cette participation, vous auriez dû les financer vous-même.
Et comme tout ce qui constitue un salaire direct ou non est soumis à cotisations sociales auprès de l'URSSAF.
Donc pour continuer mon exemple de Mme A, admettons :
- qu'elle adhère à la mutuelle d'entreprise (dont la part patronale est de 15 € par mois) ;
- que l'entreprise ait souscrit à un contrat de prévoyance (je le rappelle, ce n'est pas légalement obligatoire) pour 45 € par mois (part patronale).
Alors sa cotisation de CSG déductible sera désormais de 137,70 € (contre 103,27 € en 2017) soit une augmentation de 34,43 € mensuels.
Les autres
En principe, les taux de retraite n'ont pas été revalorisés pour 2018, ni la prévoyance (sauf cas particuliers) – faut dire qu'ils avaient bien augmenté les taux en 2016 avec la portabilité « gratuite » (mais ça, c'est une autre histoire).
Les mutuelles ont d'une manière générale augmenté, parce qu'elles augmentent tous les ans, ne serait-ce que parce que la plupart d'entre elles ont un tarif indexé sur le PMSS, même si cette indexation n'a aucun sens !
Et a priori les autres cotisations - du moins les parts salariales - n'ont pas été revalorisées.
Impact net
Donc en termes purement financiers, regardons l'impact net de ces nouveaux taux 2018 sur le salaire net de Mme A. On récapitule :
- baisse du taux de cotisation maladie : +15 €
- baisse du taux de cotisation chômage : +29 €
- hausse du taux de cotisation de CSG : −34,43 €
Impact net = +9,57 € par mois !!!
Whouhou ! Chéri fais tes valises on part aux Bahamas !!!
Impact sociétal
Au-delà de l'impact sur le pouvoir d'achat de Mme A, il faut considérer l'impact sociétal de ces nouvelles mesures de financement. Reprenons :
Maladie - maternité
Les cotisations de maladie et la CSG-CRDS permettent actuellement le financement de notre système de santé :
- rémunération du personnel hospitalier ;
- IJSS en cas d'arrêt maladie ;
- pensions d'invalidité.
Certes, notre système de santé n'est pas forcément le plus rentable du monde mais n'empêche que pour le moment, on n'est pas obligé d'hypothéquer sa maison pour se faire soigner ! Alors, s'il était super bénéficiaire (c'est-à-dire que les cotisations couvraient largement ces dépenses), ce serait non seulement une bonne nouvelle sur l'état de santé de la population mais la baisse de ces cotisations serait compréhensible. Mais ce n'est pas le cas !
Pour la petite histoire amusante, la Sécurité Sociale a été fondée en 1945, le « trou de la Sécu « a été évoqué la première fois en… 1947 !
Accessoirement, c'est également l'ARS qui finance les EHPAD (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), les établissements pour enfants et adultes handicapés, etc.
Maintenant, vous couplez la diminution de cette cotisation avec l'adhésion obligatoire de toutes les entreprises à un régime de frais de santé (i.e. les mutuelles). Et voilà ! Puisque tout le monde est désormais couvert par une mutuelle, on peut commencer à gentiment détruire notre système de santé tel qu'il fonctionne aujourd'hui. La santé peut devenir un « commerce ».
En plus, concernant l'adhésion obligatoire à la mutuelle, la loi a prévu deux minimums :
- le « panier de soins » (nos député·e·s se sont mis·e·s d'accord sur les prestations minimales que devaient proposer les mutuelles) qui restent tout de même assez basique (disons qu'il faut pas avoir de problèmes dentaires, visuels, auditifs, etc.) ;
- une participation minimum de l'employeur de 50 %.
Sauf que quand on nous l'a annoncé, beaucoup de TPE-PME (notamment) n'avaient pas du tout prévu ces dépenses dans leurs budget ! Et mine de rien, ça représente une somme non négligeable, même pour quelques salariés. Du coup, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Les mutuelles ont défilé dans nos bureaux la bouche en coeur pour nous vendre la solution parfaite :
- on adhère à la mutuelle « panier de soins » financée à 50 % par l'employeur (autrement dit on s'acquitte du minimum imposé par la loi) ;
- les salariés qui le souhaitent peuvent ajouter des « options » (des prestations complémentaires) moyennant un financement personnel.
Lorsque cela a été mis en place, par exemple, dans mon entreprise, la cotisation de base était de 30 € par mois (soit 15 € pour le salarié), et l'option 3 s'élevait à 80 € par mois pour le salarié ! Si vous avez besoin de lunettes, mieux vaut prendre la mutuelle de base et économiser un peu toute l'année parce qu'à 80 balles par mois, vous avez largement payé vos lunettes (960 € par an tout de même !). Du coup, on reporte la charge de la couverture santé sur les salarié·e·s. Et c'est vrai que de nos jours, on a tendance à faire de la solidarité un délit… Alors, certes, au niveau des mutuelles, ça fait un moment que c'est comme ça : plus vous cotisez, et plus vous êtes couvert·e. Et c'est vrai aussi qu'une partie de la population n'avait pas accès à une mutuelle, faute de moyens. Mais dans les faits, l'obligation pour les entreprises de couvrir tout·e·s ses salarié·e·s par une mutuelle, ne compensera pas le désengagement de l'État dans la couverture santé et la précarisation des gens qui ne pourront tout de même pas se permettre de payer les options en plus…
En plus, depuis plusieurs mois, lorsqu'un·e salarié·e quitte son entreprise et perçoit les allocations chômage, iel bénéficie de la portabilité de la mutuelle à titre gratuit pendant maximum 12 mois. Du coup, les mutuelles ont un peu salé l'addition pour « absorber » ces coûts supplémentaires et, bien entendu, ce sont notamment les cotisations de base qui ont augmenté, puisque celle-là, on est sûr que quasiment tout le monde y cotise (hors cas dérogatoires, je pourrai faire un article sur la mutuelle si ça vous intéresse mais pour une fois j'avoue que c'est pas hyper passionnant).
N'oubliez pas que la part patronale de la mutuelle est intégrée au revenu net imposable et à l'assiette de CSG… donc plus les salarié·e·s paient, plus les salarié·e·s paient !
Et n'oublions pas la prévoyance ! En cas d'arrêt maladie, si votre entreprise y a souscrit, le contrat de prévoyance permet de compléter les IJSS pour garantir X % de votre salaire net. Donc, si ça se passe comme avec les médicaments :
- la Sécu diminue le taux des IJSS (par exemple, au lieu de vous payer 50 % de votre salaire, elle ne prendre plus en charge que 40 %) ;
- donc le complément de salaire versé par la prévoyance pour respecter le contrat augmente ;
- donc la cotisation prévoyance augmente… qui est inclue dans l'assiette de la cotisation CSG
- donc vous payez davantage de prévoyance ET de CSG, alors que son taux vient justement d'augmenter pour compenser la diminution du taux de cotisation maladie…
Vous suivez ? Non ? C'est normal, c'est le but.
Et les vieux dans tout ça ? on en parle un peu des vieux ? Non seulement, ils se prennent l'impact de l'augmentation de la CSG sur leur retraite sans compensation par la diminution des autres cotisations sociales, mais en plus eux ne bénéficient pas de la mutuelle obligatoire. Et les vieux, ça coûte cher en soins, donc leur mutuelle, c'est pas 15 € par mois !
Chômage
Que penser de cette diminution des cotisations chômage ? Surtout quand on sait que l'idée est de permettre aux TNS (Travailleurs Non Salariés) et indépendants de percevoir les indemnités chômage mais qu'on en diminue les cotisations… comme dirait ma mère « faut pas sortir de Saint-Cyr pour comprendre où on va »…
Et vous avez vu comme tout à coup ce sujet de radiation du Pôle Emploi après deux refus d'offre d'emploi est revenu soudainement sur le devant de la scène (alors que ça date de 2008, en fait) ? Je vous laisse faire le rapport…
Autrement dit…
Autrement dit, Mme A, elle a intérêt de les mettre de côté ses 10 € par mois ! Je suis pourtant, assez généralement, pour l'évolution de la société, je ne suis pas vraiment du genre « c'était mieux avant » mais j'avoue que le cap qu'on est en train de viser m'inquiète beaucoup. Quand on voit les répercussions catastrophiques des systèmes de santé ultra-libéraux qu'on voit par exemple outre-atlantique… pourquoi vouloir reproduire ça ici ???
Alors certes, ça fait une belle façade, on augmente le pouvoir d'achat des salarié·e·s, mais c'est une vision terriblement court-termiste et c'est dangereux à l'échelle d'un pays. Si on devait tous mourir demain, allons-y, supprimons toutes les cotisations sociales et profitons de nos derniers jours sur Terre ! Mais ce n'est pas le cas (ou du moins, y'a pas vraiment moyen d'en être certain donc autant viser le long terme !).
Alors, avoir plus de pouvoir d'achat pour pouvoir me financer seule mes frais de santé et mes périodes de chômage, non merci. Je préfère plutôt cotiser et mutualiser ces risques avec le reste des gens.
D'ailleurs, vous aurez remarqué que je ne parle jamais de charges sociales mais de cotisations sociales.
Les mots ont un impact.
Larousse définit une cotisation comme une « somme versée en vue de contribuer à une dépense commune » et les cotisations sociales comme des « contributions des salariés et / ou de leurs employeurs versées aux différents organismes qui assurent la protection sociale »…
Ces organismes que nous finançons par nos cotisations assurent notre protection sociale et je trouve le terme très important. Parce que quand on le dit comme ça, on change de prisme : on ne gagne pas du pouvoir d'achat pour acheter plus de beurre en fin de mois (oui j'aime bien le beurre, c'est pour faire les gâteaux !), on perd notre protection sociale…
Mais la communication de ces nouvelles mesures a bien sûr été entièrement faite autour du « Rendez-vous compte, Mme A elle sera contente, elle va gagner en pouvoir d'achat ! Et donc consommer plus et payer plus de TVA et… ah mince non attends, Paulo, sors ça du discours ! »
Et j'ai eu hier une discussion très intéressante dans le train avec une autre RH, qui m'a expliqué son point de vue et j'avoue que je n'avais jamais envisagé cette hypothèse. Donc pour faire réfléchir et provoquer des discussions, je vous en fais part :)
Vous vous souvenez du prélèvement à la source qui devait commencer au 1er janvier 2018 (j'en profite pour saluer et exprimer toutes mes condoléances à celles et ceux dont la stratégie consistait à charger la mule en 2017, persuadés que 2017 serait la fameuse « année blanche » et qui vont bien douiller en avril) ? Finalement, cette mesure a été repoussée au 1er janvier 2019. Sur le coup, je n'en ai rien pensé de particulier si ce n'est que ces politiciens, ils commencent à me gonfler à tout changer tout le temps, et que ça faisait un an qu'on le préparait et qu'on allait tout devoir refaire…
Mais cette RH pense que c'est pour une raison de côte de popularité du gouvernement. En effet, ils nous font tout un foin sur l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés que je viens de vous exposer. S'ils avaient rajouté le prélèvement à la source, ça aurait annulé voir eu l'effet inverse sur votre salaire net.
Alors, entendons-nous bien, il est évident que dans les faits, ça revient au même puisqu'en contrepartie, nous n'aurions pas eu les impôts sur les revenus 2017 à payer (et c'est d'autant plus frappant pour ceux qui sont de toutes façons en mensualisation) mais on les paie à une administration externe, après avoir eu quelques jours notre salaire net sur notre compte. Donc dans les faits, on « touche » plus à la fin du mois, même si on les reverse ensuite aux impôts. Si vous mettez les deux en même temps, tout ce que les gens vont retenir c'est que leur salaire a diminué alors que la vie coûte plus cher.
Voilà c'est une hypothèse intéressante et je voulais vous en faire profiter.
Et pour la suite ?
J'ai lu dans ma documentation juridique ce que nous prévoyait le gouvernement pour la suite et donc comme je suis gentille, je fais tourner !
Le PLF et le PLFSS pour 2018 prévoient la suppression du CICE… Whaaaaat ?
Oui, apparemment et alors de manière totalement inattendue, cette mesure n'aurait pas eu l'effet escompté sur la création d'emplois !
Ah non, attendez, c'est pas pour ça… Ma documentation m'explique que c'est afin que toutes les entreprises puissent « bénéficier d'une exonération de charges patronales simultanément au versement des rémunérations qui y ouvrent droit « .
Ahhhhh mais oui, parce qu'un crédit d'impôt de plusieurs millions d'euros par an, merci le Gouvernement, mais bon, faut attendre l'année suivante pour pouvoir y prétendre et pendant ce temps, les entreprises du CAC40 sont obligées de faire l'avance alors c'est compliqué pour acheter des yacht à Noël !
Alors du coup, ils se sont dit :
– Tiens, Paulo, et si on lui pétait le deuxième genou aussi à notre système de protection sociale ?
– Tu m'intéresses, vas-y, développe !
– Ben, j'ai pensé : le CICE, ça devait créer des emplois mais ces feignasses d'assistés ont pas voulu en profiter alors du coup, on supprime le CICE.
– Arrête, les potes, y vont gueuler si on fait ça !
– Nan mais attends, à la place on supprime aussi les cotisations patronales ! Comme ça, on récupère la thune au niveau fiscal et on finance plus la maladie et le chômage… les gens y z'avaient qu'à postuler… franchement y'a eu 1 millions d'emplois proposés grâce au CICE… et puis pour la maladie bah, maintenant qu'ils ont la mutuelle obligatoire. On peut virer la Sécu !
– Whaouuuu j'adore l'idée !
Discussion hypothétique, bien sûr…
Plus sérieusement, quelle est l'idée ?
Premièrement, suppression du CICE… qui je le rappelle est une mesure fiscale puisqu'il s'agit bien d'un crédit d'impôts sur les sociétés, qui, certes, est calculé sur la masse salariale mais qui est quand-même un impôt et non une cotisation sociale. Il passera donc de 7 % à 6 % en 2018 et disparaîtra totalement en 2019, remplacé par « une baisse de cotisations sociales pérenne dont les entreprises pourront bénéficier immédiatement ». J'insiste mais on parle bien de remplacer une mesure fiscale par une mesure sociale, qui ne financent donc a priori pas du tout les mêmes choses !
Et alors au cas où vous auriez pas fait attention à la subtilité : le CICE sera diminué d'1 point dès 2018 alors que la réduction des cotisations sociales ne sera que pour 2019… Bref, préparez-vous à voir débarquer le Medef dans la rue, hurlant contre cette spoliation inadmissible, alors qu'ils créent des millions d'emploi par an et que si c'est comme ça, faut pas s'étonner que les patrons s'exilent dans les paradis fiscaux et font de l'optimisation fiscale (oui on dit « optimisation fiscale » parce que fraude ça fait moche, c'est comme si on trichait) !
Ok, et donc en quoi ça consiste cette baisse des cotisations sociales ? Je sais pas si vous vous rappelez mais y'a un vieux bouquin qui dit que si on te mets une baffe, faut tendre l'autre joue… ou équivalent (je parle pas l'araméen :P). Eh ben, là, ils se sont dit que comme ça avait si bien marché avec le CICE, ils allaient refaire pareil avec les cotisations sociales : on change pas une méthode qui marche pas, on est la Nation Française ! L'idée de base c'est que ça coûte trop cher d'embaucher, et que si on baisse les cotisations sociales, du coup les employeurs ils vont créer des tas et des tas d'emplois !!!
Dès le 1er janvier 2019, donc :
- pour les salarié·e·s entrant dans le champ de la réduction Fillon et dont la rémunération est inférieure ou égale à 2,5 SMIC (soit 3 746 € environ pour 2018), la cotisation patronale de maladie passera à 6,89 % (contre 13 % en 2018, ce qui représente une diminution entre 91,55 € et 228,88 € de cotisation patronale par mois, par personne) ;
- pour les autres, la cotisation restera à 13 %.
Et puisque cette mesure va forcément créer des milliers d'emplois – comme avec le CICE ! – on n'aura plus besoin du Pôle Emploi ! Donc tant qu'à faire, autant diminuer aussi les cotisations chômage ! Du coup l'allègement général des cotisations sociales (la fameuse « réduction Fillon ») s'étendra à la cotisation chômage au taux de 4,05 % (c'est-à-dire la totalité de la cotisation).
Qui sait, à force de repousser l'âge de la retraite et de supprimer les mesures contre la pénibilité au travail (enfin, non pardon, ça existe pas la pénibilité au travail :D) bah du coup, y'aura plus besoin de financer la retraite ! Donc, idem, la cotisation retraite complémentaire sera également intégrée à l'allègement général des cotisations sociales au taux de 4,65 % (soit la totalité de la cotisation) et l'AGFF (une autre composante de la retraite complémentaire) au taux de 1,20 % (soit la totalité de la cotisation).
Ce qui correspond à une augmentation totale de l'allègement des cotisations sociales de 9,9 points (chômage, retraite, AGFF) ! Ainsi, pour un·e salarié·e au SMIC, l'employeur cotisera uniquement aux cotisations suivantes :
- AT/MP (le taux dépend de votre branche d'activité, fixé par la CARSAT) ;
- régime de garantie des salaires (AGS ou FNGS) de 0,15 % du salaire brut ;
- taxe d'apprentissage ;
- participation à la formation professionnelle (pour les entreprises de plus de 11 salarié·e·s, taux minimum de 1 %) ;
- versement transport (pour les entreprises de plus de 11 salarié·e·s, taux dépendant de la commune dans laquelle vous vous trouvez) ;
- participation à l'effort construction (qui sert à financer la construction de logements sociaux) au taux de 0,45 % du salaire brut.
Donc comme vous le voyez, nulle cotisation relative à la maladie non-professionnelle, le chômage (si ce n'est 0,15 % d'AGS), la retraite complémentaire (pour la tranche A du salaire non-cadre)… bref, notre protection sociale !
Conclusion
Je remets donc un coup de marteau pour bien enfoncer le clou : attention à l'illusion de ce pouvoir d'achat supplémentaire, qui vous servira bientôt à financer les services que devraient nous assurer l'État.
Commentaires
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