J'avais prévu de faire un article en double-partie sur le bulletin simplifié (qui existe depuis janvier 2017 dans les entreprises de plus de 300 salarié·e·s et qui débarque ce mois-ci pour toutes les autres) et sur les nouveautés en matière de cotisations sociales pour 2018, mais comme d'habitude, finalement, j'ai tellement de choses à dire qu'il vaut mieux en faire deux !
Aujourd'hui j'aimerais vous parler du bulletin simplifié : pourquoi ? Comment ? Pour celleux qui le découvriront ce mois-ci, préparez-vous à ne plus reconnaître votre bulletin ! Il a subi un petit régime.
Pourquoi simplifier ?
Il faut l'avouer, à force de rajouter des cotisations tous les ans et chaque entreprise les présentant un peu à sa sauce, les bulletins devenaient franchement longs à lire (pour celleux qui les lisaient, donc ça réduit déjà pas mal le nombre !).
Or, à notre époque, la tendance est à la chasse au gaspillage, donc réduire les bulletins c'est économiser le papier et l'encre.
Et puis… les gens. Comme souvent de nos jours, on pense qu'il vaut mieux simplifier le support plutôt que prendre le temps d'expliquer aux gens. Parce qu'on aurait très bien pu garder le bulletin tel qu'il était en harmonisant la présentation au niveau national. Grâce à un support diffusé avec le bulletin de janvier, on aurait expliqué aux salarié·e·s : « vous voyez, les × premières cotisations concernent la santé, les y suivantes concernent la retraite… », bref, faire un petit livret explicatif du bulletin, les gens le lisent (ou pas, et après tout c'est leur choix) mais on n'aurait pas décidé à leur place ce qu'iels étaient en droit ou en capacité de comprendre ! Mais bon, non, finalement, c'est mieux de simplifier.
Alors, bien sûr, le gouvernement allait pas nous le vendre comme ça, non, sinon c'est quand-même un peu prendre son électorat pour des truffes, ce qui passe moyen, bizarrement. Donc on nous a expliqué qu'il s'agissait d'un bulletin « plus lisible et plus compréhensible »… je vous en laisse juge !
Parce qu'au final, cellui qui pigeait rien à son bulletin, ben même avec quelques titres, iel comprend pas grand-chose de plus, hein, soyons honnête !
Fun fact (enfin ouais pas vraiment un fun fact mais c'est plus vendeur) : sachez que votre entreprise conservera le bulletin détaillé, c'est-à-dire, le bulletin tel que vous le connaissiez, parce que simplifier c'est bien, mais en cas de contrôle social, vaut mieux avoir le détail !
Comment simplifier ?
Alors, en quoi est-il plus « clair » ce nouveau bulletin ? Ce qui change, c'est au niveau des cotisations sociales. Elles sont désormais classées en 11 « rubriques » : chaque rubrique regroupant les cotisations sociales couvrant le même « risque » et que je m'en vais de ce pas vous présenter.
Pour ne pas trop alourdir l'article, je ne vais pas refaire ma présentation détaillée du bulletin de salaire, que vous pouvez retrouver ici. Attention, cependant, les bases et les taux de cotisation ont changé depuis que j'ai rédigé la présentation, mais les cotisations et les principes restent les mêmes.
Sur ces 11 rubriques, il se peut que seules 9 d'entre elles soient présentées dans la partie « Cotisations » de votre bulletin et que les deux dernières soient présentées à un autre endroit du bulletin (en bas de page par exemple). L'important c'est que l'information apparaisse clairement. De la même façon, il se peut que sur les 9 premières, vous n'en ayez que 8, si vous êtes dans un entreprise qui n'est pas rattachée à une convention collective, ni un accord de branche.
1. Santé
On regroupe ici les cotisations couvrant les risques de maladie, maternité, invalidité, décès (oui bon la maternité c'est pas vraiment un risque… quoi que).
Vous y trouverez donc les cotisations de :
- sécurité sociale – maladie ; maternité ; invalidité et décès (elle s'appelait peut-être simplement « maladie » jusqu'en décembre sur vos bulletins) ;
- complémentaires – c'est-à-dire la prévoyance (complémentaire incapacité, invalidité, décès). Notons que la prévoyance, assez étrangement, n'est pas obligatoire en entreprise (alors que la mutuelle l'est devenue, allez comprendre… faut croire qu'aucun fils de président n'était à la tête d'un organisme de prévoyance ?). En revanche, la cotisation « décès des cadres » est obligatoire (elle s'élève à 1.50 % de la tranche A, soit pour 2018 à 49,67 € par mois) ;
- complémentaire santé (c'est-à-dire la mutuelle d'entreprise).
2. Accident du travail - Maladie professionnelle
Cette rubrique ne comprend en fait qu'une cotisation unique patronale, qui s'appelle cotisation « accident du travail, maladie professionnelle » (heureusement qu'on a simplifié le bulletin !). Son taux est fixé par la CARSAT (Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail) pour chaque entreprise en fonction de son activité et du taux d'accidents ou maladies professionnelles des années précédentes dans l'entreprise ou parfois dans la branche d'activité toute entière.
3. Retraite
Cette rubrique regroupe donc les cotisations permettant de couvrir le risque de vieillesse (qui n'est pas non plus vraiment un risque mais plus une fatalité !) :
- assurance vieillesse : c'est la retraite de base de la sécurité sociale qui se calcule en deux temps (une partie sur le salaire plafonné, c'est-à-dire uniquement la tranche A et une partie sur le salaire déplafonné, c'est-à-dire la totalité du salaire) ;
- retraite complémentaire : comme son nom l'indique, elle viendra en complément de la retraite de la sécurité sociale, elle est cotisée auprès d'un organisme complémentaire (ne soyez pas surpris, elle regroupe plusieurs cotisations elle-même, selon votre statut : ARRCO, AGIRC – qui fusionnera avec l'ARRCO au 1er janvier 2019 – CET, AGFF, la plupart de ces sous-cotisations se décomposant elles-mêmes selon le montant de votre brut, en tranches) ;
- GMP : c'est la Garantie Minimale de Points (lorsque le salaire brut d'un·e cadre n'est pas suffisant pour cotiser à la retraite tranche B, on rajoute une cotisations forfaitaire supplémentaire) ;
- retraite supplémentaire : j'en ai pas vu souvent, mais certaines entreprises ont souscrit à des régimes de retraite supplémentaire (qui vient au moment de la retraite, en supplément de la retraite complémentaire, venant elle-même en complément de la retraite de base de la sécurité sociale… vous suivez ? :D).
4. Famille - Sécurité Sociale
Là encore, une seule cotisation patronale dans cette rubrique : la cotisation Allocations Familiales. Je vais pas m'étendre, tout le monde voit à peu près ce que ça finance…
5. Assurance Chômage
Bon, comme son nom l'indique, cette rubrique regroupe les cotisations destinées à couvrir le risque de chômage :
- cotisation chômage ;
- AGS (Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salarié·e·s) ou FNGS (Fonds National de Garantie des Salaires), cotisation patronale finançant le paiement des rémunérations, préavis et indemnités en cas de redressement ou liquidation judiciaire de l'entreprise ;
- APEC (Agence pour l'Emploi des Cadres) : uniquement pour les cadres.
6. Autres cotisations dues par l'employeur
À mon avis, à ce moment-là, y'a quelqu'un dans le groupe de travail qui en a eu marre… « Bon attends, Paulo, fais une rubrique fourre-tout, d't'façon les gens ils s'en cognent c'est pas eux qui cotisent ! »
Du coup, on y retrouve toutes les autres cotisations patronales, OSEF les titres de rubriques !
- le versement transport ;
- la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL) ;
- la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) ;
- la contribution patronale au fonds de financement des organisations professionnelles et syndicales (je suis étonnée, ils ont même pas cherché à lui donner un sigle à celle-là, ça aurait pu être CPFFOPS, on aurait rigolé un coup !) ;
- la contribution solidarité autonomie (CSA) - depuis la canicule de 2003, voir mon superbe article à ce sujet ;
- le forfait social ;
- les cotisations de pénibilité (même s'ils ont viré la moitié des critères, il reste quelques irréductibles… pour l'instant !) ;
- la contribution de l'employeur à la formation professionnelle continue ;
- la taxe sur les salaires ;
- la taxe d'apprentissage ;
- et peut-être d'autres ?
Elles sont généralement regroupées en une seule ligne, auquel cas vous n'aurez pas le détail ni des bases de calcul, ni des taux puisque presque chacune a les siens (sinon, c'est moins rigolo).
7. Cotisations statutaires ou prévues par la Convention Collective
Décidément, je pense que Paulo voyait arriver sa pause repas à grande allure ! Deuxième rubrique fourre-tout donc, pour les (moult) spécificités de nos CCN françaises ou selon le statut de certain·e·s employé·e·s. Par exemple, c'est ici qu'on trouvera les cotisations versées aux caisses de congés payés (comme les congés intempéries dans le BTP notamment).
C'est donc cette rubrique qui n'apparaîtra pas forcément dans votre bulletin.
8. CSG non imposable à l'impôt sur le revenu
La CSG (Contribution Sociale Généralisée), 100 % salariale, finance globalement la Sécurité Sociale (c'était la première cotisation destinée à combler le « trou de la Sécu », censée être temporaire, et comme ça n'a pas marché, depuis on en a rajouté d'autres, parce qu'on change pas une méthode qui marche pas) pour les branches santé, famille et vieillesse.
9. CSG-CRDS imposable à l'impôt sur le revenu
Donc, là, attention ! Imposable à l'impôt sur le revenu, ça veut dire que ces cotisations seront intégrées à votre revenu imposable : c'est-à-dire, vous paierez des impôts dessus.
Donc là, selon les présentations de bulletin, cette rubrique se trouvera avant ou après la ligne de total « Net Imposable ». C'est plus logique quand elle est placée après, et plus simple aussi pour vérifier les calculs. Parce que faut avouer que parfois, quand certaines bases de cotisations changent dans les logiciels et qu'on essaie de vérifier les chiffres, c'est…
Bref, cette rubrique est donc composée de deux cotisations, 100 % salariales :
- CSG non déductible ;
- CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale – ça c'était la deuxième tentative de comblement du trou de la sécu, arrivée quelques années après, temporaire également, qui comme chacun sait, a totalement rempli sa mission !).
10. Allègements de cotisations
Parce que depuis quelques années, le gouvernement est persuadé que si le chômage augmente c'est à cause des charges terribles qui pèsent sur les entreprises. Corrolaire logique : si on diminue les charges des entreprises (crédit d'impôt ou réduction de cotisations sociales) les employeurs vont tout-à-coup employer à tour de bras…
Mais bien sûr, parce qu'on ne veut pas se fâcher avec ses électeurs, on ne va pas inciter les employeurs à embaucher des gens avec un salaire leur permettant de vivre… bah non, vaut mieux niveler par le bas !
Je sais admettre quand je suis de mauvaise foi, donc il se peut qu'en réalité, l'idée à la base c'était de faciliter le recrutement de personnes peu formées, peu diplômées, parce qu'un BAC+5 a généralement moins de difficultés à trouver un emploi que quelqu'un sans diplôme et qu'en parallèle, une entreprise mettra en œuvre les moyens nécessaires pour embaucher un BAC+5 mais serait tentée d'employer de la main d'oeuvre peu qualifiée illégalement. Il s'agissait donc peut-être d'une bonne idée à la base et qui partait d'une bonne intention.
Oui mais voila, nous sommes humains, voués à détourner toute bonne idée à des fins peu honorables. Donc, au départ, la bonne idée c'était : « Ok, les entreprises, vous dites que vous embauchez pas parce que c'est trop cher, alors voilà, pour toute embauche à un salaire brut inférieur à X €, on allège quelques, voire moult, cotisations sociales patronales ».
Effet pervers (encore un) : ça revient beaucoup moins cher à l'entreprise de proposer un salaire au SMIC plutôt qu'un salaire un peu plus élevé puisqu'en plus d'un salaire brut faible, l'allègement de cotisations est vraiment conséquent.
- Réduction #RendsLArgent (appelée couramment Réduction Fillon, réellement Réduction Générale des Cotisations sur les Bas Salaires) : si votre salaire brut est inférieur à 1,6 SMIC ;
- Réduction sur les cotisations d'Allocations Familiales : si votre salaire brut est inférieur à 3,5 SMIC ;
- Réductions diverses : pour les exonérations spécifiques pour les entreprises implantées dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), ou en bassins d'emplois à redynamiser (BER) ou en zones de restructuration de la défense (ZRD) ou encore implantées en outre-mer (Lodeom).
Pour celleux qui ont envie de se marrer un coup, je vous mets ici le détail du calcul de la Réduction Fillon (source officielle…
Fun fact : il y a deux ans, comme c'était un peu nouveau, l'URSSAF avait carrément mis en place une page spéciale sur leur site pour vérifier le montant de la réduction sur l'année, tellement le calcul est simple. Je n'arrive plus à retrouver cette page mais franchement, on s'était bien marrés !
11. Total versé par l'employeur
Parce que c'est aussi important que vous vous rendiez compte tout ce que vous coûtez à l'entreprise !
Cette rubrique est donc la somme du brut et du total de la part patronale des cotisations sociales (déduction faite des allègements et exonérations évoquées ci-dessus).
Les boules et les guirlandes
Pardonnez-moi, je cherchais un titre « accrocheur » pour vous réveiller en cette fin d'article. Je voulais terminer par un point « déco » du bulletin. Souvent, nos bulletins de salaire sont composés de moult encadrés, recouvrant totalement une page A4, à croire que la consigne donnés aux logiciels de paie c'était « surtout le salarié ne doit pas voir le papier dessous ! ».
Pourtant, la loi impose finalement assez peu de choses quant à la forme et aux mentions obligatoires du bulletin de salaire.
La forme
La loi ne mentionne pas de forme particulière pour les bulletins de paie. Ils peuvent être remis sur papier ou par voie électronique (sous certaines conditions particulières, si ça vous intéresse, j'en ferai un petit article) mais c'est à peu près tout.
Donc si ça lui chante, votre employeur·se pourrait faire les bulletins à la main sur du papier parfumé Hello Kitty ou à la plume de pigeon sur un parchemin (et avouez que ça aurait de la gueule !).
Quelle que soit sa forme, le bulletin doit être conservé par l'entreprise pendant 5 ans et par l'employé·e sans limitation de durée.
Bon à savoir, même si franchement, je ne vois pas l'intérêt de refuser mais bon : si vous avez perdu votre bulletin, votre employeur peut vous en retirer un duplicata mais il n'y est pas tenu !
Autre bon à savoir : la Cour de Cassation a jugé qu'une photocopie de bulletin de paie fournie par un employeur avait la même valeur qu'un original puisque la loi ne disait rien laissant penser le contraire (arrêt du 24 novembre 1993).
Les mentions obligatoires
En revanche, la loi encadre très précisément les mentions devant y figurer (attention la liste ci-dessous ne comporte que les mentions hors éléments de salaire — c'est-à-dire tout ce qui ne compose pas le salaire brut, les cotisations sociales et le salaire net) :
- nom et adresse de l'employeur (éventuellement la désignation de l'établissement dont dépend lea salarié·e) ;
- numéro de la nomenclature d'activité de l'établissement d'emploi (code APE ou code NAF) et numéro d'inscription de l'employeur au répertoire national des entreprises et des établissements (numéro Siret) ;
- intitulé de la convention collective de branche applicable au ou à la salarié·e ou, à défaut, référence au code du travail concernant la durée des congés payés et des délais de préavis en cas de cessation de la relation de travail ;
- nom et emploi du ou de la salarié·e, sa position dans la classification conventionnelle (le niveau ou le coefficient hiérarchique) ;
- date de paiement ;
- mention de la rubrique dédiée au bulletin de paie sur le portail www.service-public.fr ;
- mention incitant lea salarié·e à conserver le bulletin de paie sans limitation de durée.
J'en rajoute une qui n'y figure pas parce qu'elle n'est pas à proprement parler liée au bulletin de salaire mais plutôt au fait que votre bulletin est établi via un logiciel de paie :
Conformément à la loi Informatique et Libertés du 6 Janvier 1978, vous disposez un droit d'accès et de rectification pour toute information vous concernant.
Si, en revanche, vous n'êtes stocké·e par votre employeur dans aucune base de donnée cette mention n'y est pas obligatoire.
Comme vous le voyez, finalement, tout le reste c'est de la déco ou pour des raisons pratiques :
- votre adresse ;
- votre numéro de sécu ;
- votre date d'entrée et / ou de départ ;
- suivi de vos congés, JRTT ;
- mode de paiement ;
- adresse de l'URSSAF auquel est rattaché l'entreprise ;
- et tout le reste.
Comme quoi, on pourrait pousser plus loin la « clarification » du bulletin de paie :)
Voilà c'est tout pour aujourd'hui. Dans le prochain article, je parlerai des nouveautés 2018 en matière de paie.
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